June 11, 2009

Survivre

Une chose qui m'a frappé à Manila, et maintenant à Cebu, c'est le nombre d'enfants dans la rue qui tentent de survivre. Certains quêtent sur le coin de la rue ou près d'un "sari-sari", un "dépanneur" philippin. D'autres vendent des objets de pacotille aux passants ou aux passagers de jeepneys et d'autobus.

On peut voir dans les yeux de ces enfants très jeunes (6-8 ans) toute la dureté qu'une existence difficile peut avoir. Il y a un nuage, un vide dans ces yeux durcis. La faim semble avoir possédé leurs esprits.

Quand ils me voient, une blanche bien portante, je suis pour eux un signe de dollars ambulant - un peu d'espoir que ce soir ils auront droit à quelques grains de riz. C'est un peu indécent comme situation, comme écart de situation économique.

Même quelques sous donnés n'arrivent pas à tarir ce besoin d'être rassasié correctement. J'ai l'impression de tout juste raviver une faim intolérable, indomptable. Je n'arrive pas à savoir si je devrais donner des sous à ces enfants (et créer un cercle vicieux de la quête sur le bord de la rue) ou bien faire comme tellement d'autres passants; apprendre à les rendre invisibles de notre paysage. Ne plus voir ce petit garçon d'environ 4 ans qui s'est endormi sur le trottoir avec encore à la main un verre pour recevoir l'aumône. Ne plus voir ces enfants devant les commerces qui tentent de faire sourire les passants pour 1 ou 2 pesos.

Depuis quelques jours, je suis à Cebu. Près du lieu où je loge, j'ai remarqué quelques enfants qui vendent des colliers qu'ils ont fabriqués à partir de fleurs de sampanita (jasmin des philippines). De petits colliers touts simples offerts aux passants... qui n'en veulent pas, qui passent leur chemin, qui ne voient même pas la main tendue de fleurs. Personne ne semble remarquer tous les efforts de ces enfants pour être présentable. Les vêtements troués et usés à la corde sont immaculés, tout propre pour bien paraître.

J'ai approché une petite fille, et je lui ai donné 20 pesos. Elle m'a offert la totalité de ses colliers de fleurs avec un grand sourire très surpris. J'en ai pris un seul et je l'ai humé, en lui disant que ça sent très bon ("masarap" le mot utilisé pour qualifier la nourriture). Elle a rigolé comme une enfant de son âge. L'effet de la rue s'était effacé de son visage. Ça n'a duré qu'une seconde.

J'ai été entouré d'une ribanbelle d'enfants qui voulaient eux aussi manger un peu cette nuit-là. Ils voulaient tous me vendre un peu de ce parfum de sampognita. Je n'aurais pas pu les aider tous ce soir-là. Je les ai remerciés et j'ai passé mon chemin.

Le lendemain soir et la nuit suivante, j'ai acheté une autre guirlande de fleurs à une autre enfant.

J'aurais voulu acheter toutes les fleurs de ces enfants.

Je n'ai pas pris de photo, c'est plus digne ainsi.


Survival

One thing that struck me in Manila, and now in Cebu, is the number of children in the street trying to survive. Some beg in the street corner or near a "sari-sari", a Philippino convenience store. Others sell cheap objects to bystanders or passengers of jeepneys and buses.

One can see in the eyes of these very young children (6-8 years) all the harshness of a difficult existence. There is a cloud, a gap in these hardened eyes. Hunger seems to have possessed their minds.

When they see me, a healthy white person, I am walking source of money, a faint hope that tonight they will get a few grains of rice. The economic gap between us is a bit indecent.

A few pennies won't prevent their need to be properly nourished. I feel like I'm just increasing an intolerable hunger, indomitable. I don't know if I should give in to these children, and contribute to the vicious cycle of poverty, or do as so many other bystanders do, which is to learn to make them invisible. To learn not see this 4 years old boy asleep on the sidewalk holding a glass for charity. To learn not see these children in front of shops trying to smile to passers by for a couple of pesos.

I have been in Cebu for a few days. Close to where I'm staying, I noticed some children who sell necklaces they made from sampanita flowers (jasmine of the Philippines). Those are small and simple necklaces offered to passersby, who aren't interested, who go their way, who don't even the flower offerings. Nobody seems to notice all these children's efforts to be presentable. Their usual worn out clothes, full of holes, are immaculate and clean, so they can look good.

I approached a little girl, and gave her 20 pesos. She gave me all her flower necklaces, flashing a big smile, acting very surprised. I took one and smelt it, telling her it smelled very good ("masarap" the word used to describe food). She laughed as a child of her age does. The harshness of living in the street had been cleared from his face. It lasted only a second.

I was surrounded by a group of small children who also wanted to eat a bit that night. They all wanted to sell me a bit of this sampognita fragrance. I could not help them all, that night. I thanked them and I continued my walk.

The next night and the following night, I bought a garland of flowers from a different child.

I wanted to buy all of these children's flowers.

I have not taken any photo, it was more dignified this way.

4 comments:

  1. Comme ton histoire est émouvante... On croirait voir ces enfants tant tu les dépeints bien. J'en ai la larme à l'oeil... Ce doit en effet être très dur de voir ces petits enfants dans la rue pour nous occidentaux. Je comprends que tu te sentes si démunie...

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  2. Je comprend ton désir de garder une certaine dignité en ne sortant pas ton appareil photo pour croquer ces tristes frimousses, un peu comme on le fait au zoo. Mais elles auraient valeur de témoignage. Les journalistes vivent le même dilemne partout où ils vont. Des photos de toi, accompagnant ton texte, aurait une valeur plus personnelle, pour nous confronter dans notre comfort nord-américain. En lisant ton blogue ce soir avec ma fille Juliette, j'aurai de telles photos pour lui illustrer tes propos. J'ai trouvé des photographes philippins sur www.flickr.com qui en présentent d'excellentes. Avec ta permission, je pourrais les ajouter ici, sans l'impression de manquer de dignité envers personne.

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  3. Manuel called me this morning (a very rare event as he usually text me). He was wondering if I was OK and wanted to tell how to handle beggers on the streets. Not to give them too much as it will attrack a crowd, how to learn to look the other way.

    He explained to me it is a Philippino phenomena. I had to correct him on this one.
    This is NOT common only in the Philippines.
    Too many countries around the globe (and now because of the economic crisis many more) have difficulties making sure their kids are OK and have a chance in life.

    Manuel, do not worry, I just hope that I will never lose the capacity to be touched by somoene else dispair.

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  4. Apprendre à regarder ailleurs...c'est pas vraiment ton genre. Ne crée pas trop d'attroupements!

    Jean-Luc

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